Bastogne dans le brouillard de la guerre

Par Philippe Degouy

Hiver 1944. Bastogne tient grâce aux paras de la 101e AD américaine avant d’être libérée par les chars de Patton en guise de cavalerie mécanisée. L’image d’Epinal véhiculée par les livres et les films. Et combattue avec véhémence par Hughes Wenkin, tout comme celles d’une région mal défendue par les Américains et d’une offensive surprise. Avec La percée allemande. Bastogne tome 1 (éditions Weyrich), l’historien livre le fruit d’une étude approfondie sur ces erreurs qui continuent aujourd’hui encore à être acceptées comme véridiques.
Alors, non, l’auteur ne renie pas le statut de héros des paras américains. Mais il souhaite rappeler le rôle majeur tenu par tous les autres soldats qui ont subi de plein fouet le choc de cette percée allemande. Une offensive prévue par Hitler peu de temps après la campagne de Normandie, alors que le sort de l’Allemagne nazie était déjà scellé.
Après le récit de la genèse de ce dernier sursaut sur le front Ouest, l’auteur aborde cette assertion tenace depuis la fin de la guerre : les Alliés ont fait face à un effet de surprise total. Avec une région peu préparée. Rien n’est plus faux, comme l’historien l’explique : « Pour les généraux alliés qui souhaitaient pousser les Allemands à mener une guerre de mouvement pour mieux les anéantir, une bataille dans un terrain aussi spécifique que les Ardennes était vue comme une opportunité. » Mais la faillite du renseignement allié va apporter son grain de sable. Avec des messages captés qui ne sont pas transmis. Et aux conséquences sanglantes. « Les Américains estiment être en face d’une force deux fois moins importante qu’en réalité. Voilà l’élément de surprise, mais non l’offensive en elle-même, à laquelle Eisenhower s’attendait  » souligne l’auteur. Des Ardennes bien défendues, oui, mais d’une manière indirecte. Avec des troupes destinées à briser les flancs allemands. Un plan allié qui n’a pas fonctionné comme prévu, avec une bataille terriblement meurtrière et longue, et dont les premiers jours de combat sont racontés avec l’angle du fantassin de première ligne, soumis au feu allemand et au froid, terrible. Un front qui n’a jamais cédé malgré les pertes effroyables en plusieurs endroits.

Un premier volume d’une nouvelle collection, passionnant et documenté, qui se termine avec la course contre la montre entamée par les deux camps pour atteindre et tenir Bastogne. Si les paras ont pu arriver les premiers et tenir le choc, c’est grâce aussi et surtout au sacrifice réalisé par les GI’s de première ligne, qui ont combattu à 1 contre 10 pour ralentir la progression allemande et gagner ainsi un peu de temps précieux. Ces héros, ce sont notamment les hommes de la 28th Infantry Division, qui ont subi le choc de 6 divisions allemandes. C’est à ces soldats, morts dans nos forêts d’Ardenne, longtemps oubliés par la littérature historique, qu’a voulu rendre hommage Hughes Wenkin avec son ouvrage. Un premier tome richement illustré, qui rappelle, une fois encore, toute l’importance d’un regard neuf sur cette période de l’histoire, fortement chargée en émotion et en clichés infondés.

Ardennes 1944, le destin oublié des GI’s de première ligne

Bastogne. Tome 1. La percée allemande. Par Hughes Wenkin. Editions Weyrich, 184 pages, 35 euros
Couverture : éditions Weyrich

https://www.weyrich-edition.be/bastogne-percee-wenkin-allemand-bataille-ardenne#.YCUEfmhKhPY

2 commentaires sur “Bastogne dans le brouillard de la guerre

  1. Livre en effet très bien fait et très utile d’un point de vue historiographique qui lève un voile sur plusieurs éléments méconnus : la résistance de la 28th USID qui bloque pendant près de deux jours la 5. Panzer-Armee presque sur ses bases de départ et l’approche défensive des Ardennes par les Alliés (une prise de risque calculée et pensée).

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