Par Philippe Degouy
5 mai 1890. Le jeune Britannique Jonathan Harker arrive au château du prince Vlad Dracula en Transylvanie après un voyage de plus de 9 jours. Un voyage d’affaires pour faire signer au prince des documents lié à une acquisition immobilière en Grande-Bretagne. Par inadvertance, Jonathan dévoile un cliché de Lucy, sa fiancée avec qui il va prochainement se marier. Ce portrait féminin trouble Dracula car il lui rappelle tant son unique amour, Ilona, décédée depuis plus de quatre siècles. Dans la tête du prince se dessine un nouveau but pour son voyage en Angleterre : trouver et séduire Lucy. Retenu au château du prince, Jonathan est libéré par Greta, l’une des trois femmes de Dracula, vexée d’avoir été répudiée. Mais trop tard, Dracula est déjà en route pour l’Angleterre.
Port de Whitby, le navire est retrouvé avec treize corps vidés de leur sang. Pour le professeur Van Helsing, il n’y a pas de doute quant à l’identité du criminel….
Avec Dracula, l’ordre du dragon (éd. Glénat) Marco Cannavo au scénario et Corrado Roi au dessin revisitent avec flamboyance le roman épistolaire de Bram Stoker, Dracula. Si le scénario débute par une adaptation fidèle au roman, il prend ensuite des chemins de traverse pour surprendre le lecteur avec des éléments novateurs. Comme ces flashbacks sur le retour de Dracula des croisades, la mort de son fils, le rôle de Ilona. Si le scénario mérite notre respect, il en va de même pour le dessin du maître de la BD italienne, Corrado Roi. La beauté de son dessin au lavis noir se révèle tout simplement magnifique, pour transformer cette BD en un beau livre. « Mon style est de creuser dans le noir » déclare Corrado Roi. Le noir, omniprésent dans cette oeuvre crépusculaire, étrangement dépourvue de toute trace de rouge, la couleur du sang.
Quant au personnage de Dracula, oubliez les images classiques associées aux acteurs qui ont endossé le rôle. Celui des auteurs a un look de rock star gothique, longiligne, aux cheveux longs et au teint livide. Semblable à ces « fameux sépulcres blanchis. Beaux à l’extérieur, mais à l’intérieur remplis d’ossements de morts et de toutes les impuretés » (Matthieu 23:27-28). Et si la victime c’était lui, Dracula? Le postulat des auteurs.
Un récit troublant, qui bouscule en permanence le lecteur attaché au cheminement présent dans le roman de départ. Comment ne pas céder au charme de cette BD, tant pour le graphisme séduisant que pour ce mélange de gore et d’érotisme soft. Rien n’est montré, tout est suggéré. L’album se referme sur un dossier thématique rédigé par Giacomo Alligo et Giovanni Nahmias. L’occasion de retrouver la vision du personnage de Dracula par les cinéastes et les auteurs. Avec une question finale adressée aux lecteurs : « il y avait deux voies pour affronter le mal : le combattre ou le devenir. Nous savons laquelle a choisi Dracula. La question est : si jamais nous nous trouvons dans des circonstances semblables, laquelle choisirons-nous? »
Un album magnifique mais réservé à un public averti pour certaines scènes difficiles. Comme la première rencontre entre Jonathan Harker et Greta, l’une des femmes de Dracula, dans le cellier particulier du prince. Ou le viol de la bonne soeur par Dracula.
Dracula – L’ordre du dragon. Scénario de Marco Cannavo. Dessin de Corrado Roi. D’après l’oeuvre de Bram Stoker. Editions Glénat, 112 pages, 22,50 euros. https://www.glenat.com/hors-collection-glenat-bd/dracula-lordre-du-dragon-9782344062715
Couverture : éditions Glénat