Par Philippe Degouy
Cinéaste noir antillais, Laup Grangé a présenté au public américain son film dédié à Robert Johnson, Du bleu dans l’âme. Un film acclamé par le public mais boudé par le professeur Gordon Kyle Moore, spécialiste reconnu de l’histoire du blues. Pour comprendre cette attitude, Laup décide de rencontrer le professeur, un vieux bougon cynique toujours accompagné par son amie Jezie, vieille femme noire propriétaire du Delta Blues Café, refuge de tous les bluesmen du coin. Jezie raconte à Laup toute l’importance de son bar pour le professeur. Là où il a rencontré son amour de jeunesse Tunica Grace. Quand elle a disparu sans prévenir, le jeune prof qu’il était ne s’en est pas remis. Avec le souvenir de cette chanson inachevée, My Lover, composée pour lui. Depuis, le professeur n’a plus qu’une obsession, dénicher une copie de cette chanson. Touché, Laup va échafauder un plan aussi risqué qu’improbable pour aider cet homme au crépuscule de sa vie.
Avec Delta Blues Café (éd. Grand Angle), Philippe Charlot au scénario et Miras au dessin évoquent leur passion, la nôtre aussi, pour le blues. Contrairement à bien d’autres BD dédiées au blues, Delta Blues Café est réalisé en couleurs. Comme un hommage rendu à ces musiciens qui ont vécu dans la couleur, « celle de leurs paysages, du bleu de leur ciel, du noir de leur peau. »
Au fil des échanges entre le professeur Moore dont la mémoire s’efface peu à peu et le jeune cinéaste Laup Grangé le lecteur s’immerge au coeur de cette région des Etats-Unis, berceau du blues et de ses autres sous-genres. Une lecture coup de coeur, indispensable pour les amateurs de blues, des Etats-Unis et de road trips. L’ambiance magique de cette région est parfaitement rendue par les auteurs, avec un dessin réaliste, joyeux comme les paysages du Sud des Etats-Unis. En guise de bonus, ils invitent leurs lecteurs à (re)découvrir certains personnages réels « qui méritent mieux qu’une simple mention au détour d’une bulle. » Avec, bien entendu, le mystérieux Robert Johnson dont on sait peu de choses de lui finalement, mis à part ses tubes et ce fameux pacte qu’il aurait signé avec le diable, son âme contre le talent. Un pacte signé, selon la légende, au carrefour entre les routes 61 et 49 à Clarksdale, Mississippi. Un musicien devenu l’idole des guitar heroes d’aujourd’hui, d’Eric Clapton à Keith Richards.
Robert Johnson, Hound Dog Taylor, Blind Blake, autant de musiciens afro-américains auxquels les auteurs rendent hommage : « à quelques-uns ils ont planté dans le delta du Mississippi ce mélange improbable qu’est le blues : un trait d’union entre l’Afrique et l’Occident.«
Delta Blues Café. Scénario de Philippe Charlot. Dessin de Miras. Editions Grand Angle, 72 pages. 16,90 https://www.angle.fr/bd/grand_angle/delta_blues_cafe/delta_blues_cafe_-_histoire_complete/9782818997673
Couverture : éditions Grand Angle